- PACIFIQUE (HISTOIRE DE L’OCÉAN)
- PACIFIQUE (HISTOIRE DE L’OCÉAN)De par son immensité, l’extrême petitesse et l’éparpillement des terres émergées et sa situation au plus loin de l’Europe, d’où sont venus découvreurs et colonisateurs, l’océan Pacifique a été le dernier espace maritime exploré, mis à part les océans Arctique et Antarctique. À peine entrevu par les Portugais à l’ouest, le Pacifique est resté au XVIe siècle, au XVIIe siècle et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle un domaine espagnol entre les Philippines à l’ouest et la côte pacifique de l’Amérique à l’est, même si cette hégémonie a été contestée par les flibustiers anglais et français dès la fin du XVIe siècle, puis par les Hollandais à partir de leurs bases indonésiennes au XVIIe siècle. Il a fallu attendre cependant la seconde moitié du XVIIIe siècle pour que fussent résolus les problèmes scientifiques et techniques de la navigation transpacifique et entreprise, sous l’égide des Anglais et des Français, une exploration méthodique du Grand Océan. Entré dans l’œkoumène des Européens, le Pacifique fut alors partagé, au XIXe siècle, en zones d’influence entre les grandes puissances, constituant ainsi une sorte d’extrémité géographique de leur expansion coloniale. Cet équilibre, remis en cause déjà à l’occasion des deux guerres mondiales, et surtout de la seconde dont le Pacifique a été l’un des théâtres d’opérations majeurs, a changé de nature avec l’émergence à partir des années 1960 des nouveaux petits États indépendants qui se partagent, depuis l’instauration de la zone économique exclusive des 200 milles, d’immenses espaces océaniques. En même temps, les techniques nouvelles d’exploration des mers ont permis de faire progresser à pas de géant les connaissances sur la nature même du Grand Océan. Surtout, le Pacifique s’est affirmé de plus en plus, durant ces dernières décennies, comme un domaine géographique mettant en contact une bonne partie des plus grandes puissances du monde et, à ce titre, il a cessé d’être un espace périphérique pour s’imposer comme un des grands centres d’activité et d’échanges du globe.1. La découverte du PacifiqueJusqu’au début du XVIe siècle, l’existence même de l’océan Pacifique était totalement inconnue des Européens qui, héritant des erreurs d’appréciation de Ptolémée sur les dimensions du globe terrestre, s’imaginaient que l’océan Atlantique baignait à l’ouest les rivages des lointains et mystérieux pays de l’Extrême-Orient, Cathay (Chine) ou Cipangu (Japon). C’est là que Christophe Colomb croyait débarquer à l’issue de son premier voyage, et c’est en fait Amerigo Vespucci qui comprit le premier que l’on avait atteint un «nouveau monde». Mais il fallut attendre 1513 pour que Vasco Núñez de Balboa, traversant l’isthme de Panamá, aperçoive et prenne possession de la mer du Sud. Dans le même temps, les Portugais, continuant vers l’est au-delà du sous-continent indien, découvrent le détroit de Malacca, atteignent les Moluques et, dès 1512, Antonio de Abreu et Francisco Serrão aperçoivent la Nouvelle-Guinée occidentale, que Aleixo de Meneses visite partiellement en 1526. Mais, à cette dernière date, un pas décisif avait déjà été franchi avec l’achèvement du premier tour du monde (1519-1521) entrepris sous le commandement d’un Portugais naviguant pour le roi d’Espagne, Fernão de Magalhães, ou Magellan. Celui-ci fut le premier à trouver à travers l’Amérique le passage maritime vers l’ouest si recherché: ce n’est que le 28 novembre 1520 qu’il déboucha enfin du détroit qui porte son nom et vit s’ouvrir devant lui les immensités d’un océan qu’il eut la chance de trouver constamment pacifique. Il ne lui fallut pas moins de cent dix jours de mer pour traverser le Grand Océan du sud-est au nord-ouest, en direction des Moluques que Magellan était chargé d’occuper au nom des Espagnols. Il ne vit que quelques îlots inhabités avant d’atteindre trois îles des Mariannes où apparurent quelques indigènes avec des pirogues à balancier; malgré une vitesse très honorable et de bonnes conditions de traversée, et bien que la consommation des nombreux rats du bord eût limité les ravages du scorbut, Magellan fut le premier à subir les conséquences de l’immensité du Pacifique et, après qu’elle eut passé sur le Grand Océan quarante jours de plus que Christophe Colomb dans sa première traversée de l’Atlantique, l’expédition était vraiment à l’extrême limite de ses capacités de survie. On sait par Antonio Pigafetta ce qu’il en advint par la suite: la mort de Magellan le 26 avril 1521 sur l’île de Mactan, et le retour à Sanlúcar le 6 avril 1522, après plus de trois ans de navigation, d’un seul des cinq bateaux et de dix-huit hommes... sur deux cent soixante-cinq.Le Pacifique des Espagnols et des Hollandais (XVIe s.-XVIIe s.)L’extraordinaire exploit de Magellan ouvrait d’immenses perspectives aux Espagnols, en particulier lorsque ceux-ci se furent assurés le contrôle de toute la côte pacifique de l’Amérique, de la Californie au sud du Chili, avec la conquête du Mexique (Hernán Cortés, de 1518 à 1524), du Pérou (Francisco Pizarro et Diego de Almagro, de 1531 à 1541) et du Chili (Pedro de Valdivia, de 1540 à 1553). Mais, avant même l’achèvement de cette occupation, les Espagnols lancèrent des expéditions vers l’ouest, à travers le Grand Océan. García Joffre de Loaysa, suivant la route de Magellan, atteignit ainsi les Philippines (1525-1526), de même que Ruy López de Villalobos (1542), tandis que la tentative de Hernando de Grijalva se termina par un désastre sur la côte de Nouvelle-Guinée (1536). Mais c’est en fait Alvaro de Saavedra qui, en 1527-1528, définit la bonne route dans le sens est-ouest, dans le Pacifique nord, depuis la côte du Mexique jusqu’en Micronésie et aux Philippines en se laissant pousser par l’alizé aux latitudes tropicales. Encore fallait-il être capable de revenir vers l’Amérique en sens inverse, car il n’était pas question de rentrer vers l’Europe en passant par l’océan Indien et le sud de l’Afrique, dans la moitié du globe réservée aux entreprises portugaises par le traité de Tordesillas (1494). Les expéditions précédentes échouèrent toutes dans la recherche d’une route de retour, et il fallut attendre 1564-1565 pour que la flotte de Miguel Lopez de Legazpi, après une traversée classique Mexique-Philippines, revienne, sur les conseils d’Andrés de Urdaneta, en gagnant vers le nord les latitudes tempérées où prédominent les vents d’ouest. La définition de cette «volta» à travers le Pacifique dans l’hémisphère Nord était une découverte fondamentale qui permit d’intégrer les Philippines à l’Empire espagnol (Manille, 1571) et de faire du Pacifique un lac hispanique dans la mesure où les Espagnols en contrôlaient les deux rives et organisèrent des liaisons régulières entre Acapulco et Manille (galion de Manille).Les ambitions espagnoles ne se limitèrent pas cependant à la création d’un empire riverain du Pacifique. Comme les géographes humanistes du XVIe siècle, héritiers en partie de la pensée antique, les Espagnols croyaient à l’existence dans l’hémisphère Sud d’un gigantesque continent austral, dont la masse devait normalement équilibrer celle des terres émergées de l’hémisphère Nord, et se sentaient vocation à découvrir aussi cet autre nouveau monde. C’est avec cet objectif que, le 20 novembre 1567, Alvaro de Mendaña quitta la côte péruvienne en direction de l’ouest, traversa le Pacifique pour aboutir en février 1568 à un ensemble d’îles qu’on identifia avec les îles fabuleuses dont le roi Salomon, dit la Bible, tirait une partie de ses richesses. Mendaña visita ou aperçut Santa Isabel, Guadalcanal, San Cristóbal mais ne put s’y installer durablement. Il lui fallut attendre plus d’un quart de siècle pour obtenir à nouveau le commandement d’une expédition de découverte et de colonisation. Celle-ci (1595-1596), cinq semaines après son départ, arrivait aux Marquises puis, continuant vers l’ouest, atteignait les Santa Cruz, à l’est de l’archipel des Salomon. C’est là que Mendaña mourut, et les survivants de l’expédition gagnèrent Guam puis Manille avant de rentrer à Acapulco, découvrant au passage l’îlot minuscule de Wake qui ne sera aperçu à nouveau qu’en... 1796! Mais le pilote de ce deuxième voyage, Pedro Fernandez de Quirós, n’eut de cesse d’organiser à son tour une expédition d’évangélisation et de colonisation en 1605-1606. Il s’installa dans l’île de Santo (Terra australis de Espíritu Santo) au nord des Nouvelles-Hébrides, qu’il prit pour une avancée du continent austral. La petite colonie ne résista pas au climat et aux difficultés avec les indigènes, et Quirós dut rentrer tandis que le second navire de l’expédition, sous le commandement de Torres, séparé du navire amiral, continuait vers l’ouest et découvrait le détroit entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée qui porte aujourd’hui son nom. Cependant, cette observation, comme bien d’autres faites par les Espagnols, resta ignorée des autres nations pendant un siècle et demi, d’abord parce que l’imprécision des méthodes de calcul de la latitude et surtout de la longitude donnait aux lieux découverts des positions sur les cartes souvent très erronées, ensuite parce que les informations étaient volontairement tenues secrètes pour des raisons stratégiques.C’est que dès la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, en effet, les Espagnols étaient, jusque dans le lointain Pacifique, menacés par les coups de main hardis de leurs ennemis, et en premier lieu des Anglais: Francis Drake (1577-1580), Thomas Cavendish (1586-1588) traversèrent le Pacifique au cours de grandes expéditions de chasse aux galions et de pillage des comptoirs espagnols. De plus, dès le début du XVIIe siècle, les Hollandais s’affirmèrent comme des ennemis et des concurrents très redoutables jusque dans le Pacifique. Organisés dans la puissante Compagnie des Indes orientales (1602), ils remplacent les Portugais aux Moluques, fondent Batavia (1619), qui devient leur base essentielle, et, après l’expulsion des Portugais, sont les seuls Européens à avoir un point de contact au Japon de 1638 à 1853. En même temps, ils organisent de grandes expéditions de circumnavigation, comme celle d’Olivier Van Noort dès 1598-1601 et, surtout, celle de Jacques Le Maire et Olivier Schouten (1615-1617), qui traversa le Pacifique après avoir doublé le cap Horn. Dans l’Ouest pacifique, les Hollandais reconnaissaient au même moment certaines parties des côtes de la Nouvelle-Guinée et même de l’Australie (W. Janszoon, 1605, Frederik Van Houtman, 1619, Peter Nuyts et de Witt, 1627-1628). Ces observations fragmentaires nécessitaient l’organisation d’une véritable expédition scientifique pour définir la nature de cette grande terre australe. Le gouverneur de Batavia, Anthony Van Diemen, la confia à un capitaine chevronné, Abel Tasman, qu’il avait déjà envoyé d’ailleurs en 1639 à la recherche d’hypothétiques îles de l’or et de l’argent à l’est du Japon. Tasman gouverne (1642) plein sud depuis Java puis, aux latitudes tempérées, plein est, passant au sud de l’Australie, touche une terre importante (terre de Van Diemen, devenue Tasmanie), et enfin atteint la Nouvelle-Zélande pour une courte et malheureuse escale, qui lui permet d’apprécier le caractère belliqueux des Maoris, mais non de définir s’il s’agit d’îles ou de l’avancée du continent austral. Tasman remonte alors vers le nord, découvre les Tonga dont l’accueil tranche avec celui des Néo-Zélandais (futures îles des Amis), puis les Fidji et rentre à Batavia par Ontong Java, la Nouvelle-Irlande et les Moluques. C’est là une étape essentielle dans la découverte du Pacifique, puisqu’elle permet d’affirmer le caractère insulaire d’une Australie dont Tasman n’aperçut d’ailleurs jamais la côte!Les Hollandais cessèrent alors les grandes expéditions, et, à la fin du XVIIe siècle, le Pacifique était parcouru seulement par les Espagnols d’un côté, par leurs rivaux anglais et français les pourchassant ou commerçant avec eux de l’autre. Les flibustiers anglais John Davis (1687) et, en particulier, William Dampier, au cours de plusieurs grands voyages (1683-1691, 1699-1701, 1706), sillonnèrent le Pacifique et en rapportèrent, le dernier surtout, des récits colorés qui eurent un gros succès et contribuèrent au développement de l’idée du «bon sauvage», opposé ici au mauvais colonisateur espagnol. Les Français furent très présents aussi, par quelques flibustiers et pirates d’abord, et, ensuite, lorsque la France fut devenue l’alliée de l’Espagne après 1697, par l’intermédiaire d’armateurs de Saint-Malo qui se lancèrent dans le commerce, en principe illégal, avec les colonies espagnoles du Chili et du Pérou surtout. Sur les quelque cent soixante navires français ayant fréquenté les mers du Sud de 1697 à 1720, onze firent le tour du monde, presque tous dans le sens est-ouest. Certains donnèrent lieu à des récits de grande qualité (Amédée François Frézier, 1712). Il fallut que la Couronne d’Espagne envoyât une escadre pour faire cesser le commerce interlope des Français.Cette période se termine avec le voyage de Jacob Roggeveen (1721-1723), dernière des expéditions hollandaises et accomplissement tardif d’un projet du siècle précédent, mais en même temps annonce des grandes entreprises scientifiques à venir. Suivant la route de Le Maire, Roggeveen doubla le cap Horn et se ravitailla à l’île Juan Fernández où, une quinzaine d’années auparavant, Dampier avait recueilli Alexander Selkirk, qui y vivait en solitaire depuis des années et servit par la suite de modèle pour le personnage de Robinson Crusoé. Parti à la recherche d’une hypothétique «terre de Davis», Roggeveen découvrit le 14 avril 1722, jour de Pâques, l’île qui reçut ce nom. Il aperçut ensuite certaines îles des Tuamotu, Bora Bora, Maupiti, les Samoa, et gagna Batavia en longeant la Nouvelle-Guinée. Mais l’hostilité des responsables de la Compagnie des Indes orientales l’empêcha de publier avant sa mort le récit de ses importantes découvertes.Les grandes découvertes de la seconde moitié du XVIIIe siècleFinalement, à l’aube de la seconde moitié du XVIIIe siècle, les connaissances accumulées par les Européens sur le Pacifique restaient modestes et incertaines. L’imprécision des observations empêchant toute localisation précise sur les cartes des îles et archipels aperçus jusque-là, les difficultés de navigation liées à l’immensité du Grand Océan, et en particulier la menace terrible du scorbut, laissaient subsister notamment les grandes interrogations sur le continent austral.L’exploration méthodique du Grand Océan a été rendue possible d’abord par une série de progrès scientifiques et techniques. Les plus importants concernent le calcul de la latitude, avec l’utilisation de sextants de plus en plus fiables, et surtout de la longitude, problème fondamental résolu à la fois en Angleterre avec le chronomètre de John Harrison (1733), dont Cook emmena un exemplaire amélioré dès son deuxième voyage, et en France avec les horloges marines de Pierre Le Roy et de son rival Ferdinand Berthoud. Désormais, les découvertes pouvaient être cartographiées de façon définitive. En même temps, les progrès de la construction navale permettaient de mettre à la disposition des navigateurs des bateaux plus solides, susceptibles d’emmener des quantités considérables de vivres, d’eau, de gréements de rechange, et de ramener des échantillons de plantes nouvelles, des objets indigènes, etc. Si le problème de l’alimentation en mer n’était pas encore vraiment résolu, des progrès importants furent réalisés empiriquement, notamment à la suite du voyage de George Anson. La croisière de l’amiral Anson dans le Pacifique (1740-1744) était destinée à y frapper les intérêts espagnols, et de fait il parvint à prendre le fameux galion de Manille, mais la valeur de son long voyage vient de la richesse de ses observations nautiques et autres (en particulier celle de l’intérêt de l’utilisation des agrumes pour prévenir ou lutter contre le scorbut) et, surtout, du succès considérable dans toute l’Europe de la relation qu’il en tira.Enfin, le développement de la volonté de connaître, caractéristique du siècle des Lumières, devait à l’évidence toucher le domaine de l’exploration géographique comme bien d’autres. Le meilleur exemple français de cet appétit de savoir est certainement l’ouvrage du président du Parlement de Dijon, Charles de Brosses, Histoire des navigations aux Terres australes (1756), un bilan des connaissances sur le Pacifique à la veille des premiers grands voyages français et anglais. Ce sont les deux grandes puissances maritimes, libérées en 1763 des affrontements de la guerre de Sept Ans et en plein essor économique, qui se lancèrent dans une rivalité pacifique pour la connaissance. Les expéditions organisées dans le dernier tiers du XVIIIe siècle ont véritablement un caractère scientifique, équipées des matériels nécessaires et accompagnées, parfois encombrées même, de savants, astronomes, naturalistes, dessinateurs, écrivains...Ce sont les Anglais qui envoyèrent les premières missions d’exploration, avec John Byron (1764-1766) qui découvrit quelques îles (Ellice) et prouva que la terre de Davis n’existait pas, et Samuel Wallis (1766-1768), qui fut le premier à toucher Tahiti (île du Roi-George), tandis que le second de l’expédition, Philip Carteret, séparé de son chef dès le détroit de Magellan, retrouvait les Salomon deux siècles après Mendaña. Wallis n’avait précédé dans le Pacifique la première grande tentative française que de quelques mois. Louis Antoine, comte de Bougainville, n’obtint que des résultats scientifiques limités, malgré la découverte de certaines îles des Tuamotu (archipel Dangereux), des îles de la Société, des Samoa (archipel des Navigateurs) et des Nouvelles-Hébrides (Grandes-Cyclades). Son voyage (1766-1769) eut cependant une grande importance par la relation qu’il en rapporta et qui fonda le «mythe de Tahiti» (Nouvelle-Cythère), conforta celui du «bon sauvage» et fournit des arguments aux critiques des philosophes contre la civilisation chrétienne (Supplément au voyage de Bougainville de Diderot).Sur le plan de la connaissance géographique, c’est cependant James Cook qui fit faire des progrès décisifs au cours de ses trois voyages. Le premier (1768-1771), après un séjour à Tahiti pour observer le passage de Vénus sur le disque du Soleil, lui permit notamment d’explorer complètement l’archipel néo-zélandais et de prendre possession de la côte est de l’Australie (Botany Bay). Le deuxième (1772-1775) est encore plus important peut-être, puisque Cook, allant à plusieurs reprises jusqu’aux limites de la banquise, ruina définitivement l’hypothèse de l’existence d’un continent austral aux latitudes tempérées. Il revisita les Tonga, l’île de Pâques et, surtout, découvrit la Nouvelle-Calédonie. En comparaison, le bilan scientifique des expéditions françaises de Surville (1768-1769), de Nicolas Marion-Dufresne (1770-1773) et de Yves de Kerguelen (1771-1774) est évidemment modeste.Restait alors un «angle mort» dans la connaissance du Grand Océan, la partie nord-est. Certes, les Russes, grâce aux deux voyages de Vitus Bering (1725-1730 et 1733-1742), avaient reconnu le détroit séparant l’Asie de l’Amérique et une partie de la côte de l’Alaska, qu’ils contrôlèrent d’ailleurs jusqu’en 1867. Mais il restait un immense vide de l’Alaska russe à la Californie espagnole, et l’on imaginait qu’il y avait peut-être là un vaste golfe ou même un détroit vers le nord de l’Atlantique. C’est pour éclairer ces points obscurs que Cook entreprit son troisième voyage (1776-1780). Venant cette fois-ci par l’ouest via Le Cap, les Kerguelen, le sud de l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les Tonga et Tahiti, il gouverna ensuite plein nord, découvrant, à Noël de 1777, les modestes îles Christmas, mais surtout, quelques semaines plus tard, l’archipel des Hawaii (îles Sandwich). Après avoir passé la belle saison sur la côte nord-ouest de l’Amérique, il revint aux Hawaii où il fut tué par les indigènes. Son lieutenant James King ramena l’expédition en Angleterre.À l’issue de ce troisième voyage, la carte du Pacifique était donc établie dans ses grandes lignes, et La Pérouse lui-même pouvait s’exclamer: «M. Cook a tant fait qu’il ne m’a plus laissé qu’à admirer son œuvre.» De fait, la mission confiée par Louis XVI à La Pérouse dépassait le stade de la simple découverte et comportait des objectifs politiques et commerciaux. On sait ce qu’il advint de l’expédition (1785-1788) qui, après un premier drame aux Samoa (mort de Fleuriot de Langle), disparut après une dernière escale à Botany Bay. Envoyé à sa recherche, d’Entrecasteaux (1791-1794) découvrit le caractère insulaire de la Tasmanie, mais ne trouva pas trace de La Pérouse, et son voyage finit en désastre. Il fallut attendre 1827-1828 pour que l’Anglais Peter Dillon trouve des vestiges du naufrage de l’expédition de La Pérouse sur l’île de Vanikoro dans les Santa Cruz (Salomon orientales).Les nombreux voyages entrepris dans le Pacifique à l’extrême fin du XVIIIe siècle et dans les premières années du XIXe siècle permirent de préciser considérablement la cartographie des différents archipels, d’en mieux décrire les populations et parfois de jeter les jalons d’une domination politique. Les Anglais et les Français restaient extrêmement actifs, avec notamment pour les premiers William Bligh (1787-1790), capitaine de la fameuse Bounty , George Vancouver (1790-1795), Frederick William Beechey (1825-1828) ou encore Robert Fitzroy (1831-1836), qui avait à bord de son navire, le Beagle , le naturaliste Charles Darwin qui jeta alors les bases de sa théorie sur l’origine des atolls; pour les seconds, on peut citer Étienne Marchand (1790-1792), de Roquefeuil (1816-1819), L. C. de Freycinet (1817-1820), Louis Isidore Duperrey (1822-1825), H. F. de Bougainville (1824-1826), fils du grand navigateur du règne de Louis XV, Dumont d’Urville (1826-1829 et 1837-1840), A. N. Vaillant (1836-1837). Dans certains cas, la rivalité franco-anglaise fut très vive, comme pour la découverte et l’appropriation de l’Australie et de la Tasmanie. Après la fondation de Sydney par A. Philip (1787-1788) amenant le premier convoi de convicts , ce fut une véritable course entre le Français Nicolas Baudin (1800-1804) et l’Anglais Matthew Flinders (1801-1803). Enfin, certains voyages avaient un objectif très particulier: c’est le cas de ceux qui furent conduits en 1796-1798 et en 1800-1801 par l’Anglais James Wilson pour transporter les premier contingents de missionnaires envoyés par la London Missionary Society.D’autres nations prirent une part non négligeable dans l’accroissement des connaissances sur le monde pacifique, en particulier les Russes avec Adam von Krusenstern (1803-1806), Otto von Kotzebue (1815-1818 et 1823-1826), ou encore Fiodor Petrovitch Lutke (1826-1829), accessoirement les Espagnols (Alessandro Malaspina, 1789-1794) et plus tardivement les Américains (Charles Wilkes, 1838-1842). Mais, déjà, dans les premières décennies du XIXe siècle, le Pacifique commençait à attirer bien d’autres Européens qui ne s’intéressaient que très accessoirement à la découverte scientifique, même si les relations de voyage de certains d’entre eux constituent des documents de premier ordre.2. Exploitation et partage du Pacifique (XIXe s.-début XXe s.)La découverte des richesses en fourrures de la côte nord-ouest de l’Amérique comme celle, par Cook notamment, des grands troupeaux de baleines du Pacifique nord entraînèrent rapidement l’organisation de leur exploitation. Pour les fourrures, des Européens et surtout des Américains entreprirent des expéditions hardies de traite avec les sauvages sur la côte américaine et en transportèrent ensuite le produit en Chine, où ce genre de marchandises était très recherché. La chasse à la baleine à grande échelle commença un peu plus tard, dans les années 1820. Les baleiniers, armés soit en Europe, soit, surtout, en Nouvelle-Angleterre (Nantucket, New Bedford, Boston...), contournaient l’Amérique par le cap Horn et suivaient ensuite la côte américaine avant de gagner les Hawaii, qui devinrent la base essentielle d’hivernage pour les flottes baleinières du monde de 1830 à 1870. D’autres chasseurs de baleines et de cachalots fréquentèrent les archipels de l’hémisphère Sud, mais jamais ceux-ci ne jouèrent un rôle comparable à celui des baleiniers aux Hawaii.Très tôt également le Pacifique fut sillonné par des navires à la recherche des ressources locales, notamment le bois de santal très prisé sur le marché chinois et dont le commerce fut important aux Hawaii dans les premières décennies du XIXe siècle, avant de se déplacer par épuisement des ressources vers le sud-ouest, notamment en Nouvelle-Calédonie et aux îles Loyauté où les «santaliers» australiens ou britanniques suivirent de très peu, voire précédèrent, les missionnaires protestants. D’autres produits étaient recherchés, le porc salé de Tahiti pour Sydney, le trepang, les perles, etc.Mais il ne s’agissait là que d’une économie de traite, cyclique et inégalement répartie entre les archipels. Ce n’est qu’à partir des années 1840 et 1850 que l’on commença à envisager vraiment une mise en valeur des îles, tandis que s’amorçait le partage politique entre les différentes puissances coloniales. Le Pacifique restait encore un espace marginal, malgré le développement de la façade américaine à partir de 1848 (ruée vers l’or en Californie), l’intérêt croissant pour l’Extrême-Orient (affaires de Chine, ouverture forcée du Japon, 1853-1854) et les premiers développements de l’Australie (or, 1851). Le caractère périphérique de l’économie du Pacifique apparaît bien dans les grands courants de trafic qui animent par exemple la côte pacifique de l’Amérique du Sud, exportant via le cap Horn nitrates (à partir de 1830) et guano (dès les années 1840) vers l’Europe en échange des produits manufacturés européens. C’est surtout dans le dernier quart du XIXe siècle que s’instaure un équilibre politique entre les grandes puissances (France, Grande-Bretagne, Allemagne, États-Unis), qui se répartissent les différents archipels, et que se développe l’exploitation des richesses des îles elles-mêmes (nickel de Nouvelle-Calédonie, 1877, canne à sucre aux Fidji, remplaçant le coton après l’annexion à la Grande-Bretagne en 1874, canne à sucre aux Hawaii après le traité de réciprocité avec les États-Unis, 1876, en attendant l’ananas au début du XXe siècle). Mais, sauf exception, l’apport des îles restait modeste sur les marchés mondiaux, et leur annexion répondait plus à des considérations politiques, stratégiques (intérêt des États-Unis pour la rade de Pago-Pago à Tutuila, Samoa orientales, ou encore, bien sûr, pour Pearl Harbor dans l’île d’Oahu, Hawaii), voire religieuses (rivalités entre missions catholiques soutenues par la France et protestantes soutenues par l’Angleterre et ses colonies et par les États-Unis) qu’à des intérêts économiques.L’affirmation de nouvelles grandes puissances dans le Pacifique va se faire, au tournant du siècle, pour une part au détriment de l’Europe. À l’ouest, le Japon s’impose successivement à la Chine (1894-1895) et à la Russie (1904-1905). Les États-Unis, eux, éliminent l’Espagne du Pacifique en 1898 en conquérant les Philippines et Guam et en profitent pour annexer les Hawaii. L’Australie (1901) et la Nouvelle-Zélande (1907) acquièrent une très large autonomie comme dominions de l’Empire britannique. La Première Guerre mondiale renforce ce mouvement. Si les puissances du Pacifique y participent, elles ne connaissent ni les épouvantables hémorragies ni les destructions matérielles qui touchent les nations européennes. Les opérations militaires dans le Pacifique sont fort réduites en effet: conquête faite par les Alliés (Japon, Australie, Nouvelle-Zélande) des colonies allemandes totalement isolées et, au début de la guerre, grand raid de l’amiral allemand von Spee qui traverse le Pacifique de la Chine au Chili, bombarde Papeete, écrase à Coronel une escadre anglaise (1er nov. 1914) avant de périr lui-même face aux dreadnoughts anglais de l’amiral Sturdee (bataille des Falkland, 8 déc. 1914). Les exploits du corsaire allemand Emden et la menace de quelques grands sous-marins n’empêchent pas les pays riverains d’envoyer hommes et matériels vers l’Europe, soit par l’ouest, soit par la route de l’est grâce au canal de Panamá achevé en 1914.Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle, des progrès considérables furent accomplis dans la connaissance scientifique de l’océan Pacifique. Si l’inventaire géographique des îles s’achève en 1859 avec la reconnaissance de Midway à 2 000 kilomètres à l’ouest - nord-ouest des Hawaii, la véritable exploration de l’océan lui-même s’ouvre avec le départ, en 1872, de la corvette britannique Challenger pour une mission de plus de quatre ans durant laquelle elle parcourt quelque 70 000 milles sur toutes les mers du globe. Certes, les naturalistes, astronomes, savants et marins des expéditions précédentes avaient déjà accumulé des observations intéressantes sur les vents et les courants marins comme sur la température de l’eau à diverses profondeurs ou encore sur les variations de la pesanteur et du magnétisme terrestre. Le Britannique James Clark Ross fut même le premier à réaliser des sondages abyssaux, à plusieurs milliers de mètres de profondeur (1840). Mais, avec le Challenger et son équipe de spécialistes placée sous la responsabilité de sir Charles Wyville Thomson, se manifeste pour la première fois la volonté de réunir le maximum d’informations sur tous les aspects de ce qui est aujourd’hui l’océanographie scientifique, de l’analyse de la faune et de la flore marines (4 000 espèces nouvelles identifiées!) au prélèvement d’échantillons d’eau et même de sédiments sous-marins à diverses profondeurs; dans le voisinage des îles Mariannes, on sonde à plus de 8 000 mètres, un record impressionnant pour l’époque. Les résultats du voyage du Challenger , publiés sous la direction de sir John Murray entre 1881 et 1914, représentent cinquante gros volumes qui restent encore une source importante pour les océanographes. Ce succès entraîne une extraordinaire émulation scientifique, et les Américains (G. Belknap, 1874-1875; Alexandre Agassiz, 1888-1905), les Allemands (mission de la corvette Gazelle , 1874-1876), les Russes (amiral Makarov, 1886-1889) envoyèrent eux aussi des expéditions scientifiques axées sur la connaissance de la masse océanique, des fonds sous-marins et de leurs habitants. D’énormes progrès furent ainsi réalisés, même s’il faut attendre la Seconde Guerre mondiale et surtout la période actuelle pour que s’accomplissent des avancées décisives dans la connaissance du mouvement des eaux (découverte, en 1951, du grand courant de Cromwell de direction ouest-est à une profondeur de 100 à 200 mètres aux latitudes équatoriales), de la topographie sous-marine (sondeurs à écho sonore ou ultrasonore) et de la structure d’ensemble du globe (théorie des plaques, notion de point chaud, etc.).3. La guerre du Pacifique (1941-1945)La guerre de 1914 consacre donc l’hégémonie dans le Pacifique des États-Unis et du Japon, qui vont se retrouver face à face. Dans les années 1930, le Japon mène une politique d’expansion en Mandchourie (1931-1933), en Chine du Nord-Est (1933-1935), et engage les hostilités contre la Chine en juillet 1937 (occupation de la Chine du Centre et du Sud). En même temps, il réalise une remarquable colonisation des archipels micronésiens qui deviennent aussi des bases navales pour une flotte en pleine expansion et qui se libère des contraintes de la conférence de Washington (1922). Dès lors, le conflit avec les États-Unis devenait à terme inévitable, et les Japonais s’y préparèrent d’autant plus que les puissances européennes étaient engagées dans une guerre totale à partir de septembre 1939. Le dimanche 7 décembre 1941, à l’aube, c’est l’écrasement par surprise de l’escadre des cuirassés américains à Pearl Harbor, et le déferlement immédiat des forces aéronavales et des armées japonaises dans tout l’Ouest pacifique. Hong Kong, Guam, Wake, les Gilbert sont pris avant la fin de 1941, Singapour tombe le 15 février 1942, puis Djakarta, Rangoon, les Philippines (chute de Corregidor, 6 mai). Les forces nipponnes occupent la Nouvelle-Irlande et la Nouvelle-Bretagne et installent à Rabaul une énorme base, qui complète le dispositif centré au nord sur le fameux «porte-avions incoulable» du presque atoll de Truk. Elles bombardent Darwin en Australie, attaquent la Nouvelle-Guinée, occupent les Salomon, mais semblent hésiter sur leurs objectifs futurs et perdent de précieuses semaines qui laissent aux Alliés le temps de se ressaisir. De furieuses batailles aéronavales se déroulent dans la mer de Corail (4-11 mai) et surtout à Midway, où la dynamique des succès nippons est brisée avec la perte de quatre porte-avions (3-7 juin). Dès août 1942, les Américains engagent la bataille de Guadalcanal, marquée par son extraordinaire âpreté («Verdun du Pacifique») et par une alternance de succès et de revers jusqu’à l’évacuation par les Japonais en février 1943. Mais, à cette date, a commencé le reflux, car l’énorme machine industrielle américaine tourne déjà à plein régime et parvient à fournir navires et avions à un rythme sans commune mesure avec les capacités japonaises. La reconquête suivant la stratégie des «sauts de puce» conduit les Américains de Tarawa (Gilbert, 20 nov. 1943) à Iwo Jima (19 févr. 1945) en passant par Kwajalein, Saïpan et Guam. À l’ouest, MacArthur a pour objectif les Philippines où se déroulèrent les plus grandes batailles aéronavales de l’histoire (bataille de Leyte, oct. 1944). Enfin, le 1er avril 1945, c’est l’attaque d’Okinawa, prise après trois mois de furieux combats et malgré l’intervention massive de centaines d’avions-suicides japonais (kamikazes) et du plus grand cuirassé du monde, le Yamato , coulé par l’aviation américaine. Les États-Unis exigent alors la reddition du Japon (27 juill. 1945), lancent une bombe atomique sur Hiroshima (6 août), une sur Nagasaki (9 août) au moment où les Russes déclarent la guerre au Japon. Le 15 août, le Japon capitule. Il perd la Micronésie et, bien sûr, toutes ses conquêtes territoriales, et se retrouve, exsangue, à la merci de son vainqueur qui, dès lors, contribue à sa renaissance économique plus qu’il ne l’entrave.4. L’affirmation du Pacifique comme un des centres économiques et géopolitiques fondamentaux du monde actuelLe Pacifique des lendemains de la Seconde Guerre mondiale ne resta pas bien longtemps une zone incontestée d’influence américaine, car l’U.R.S.S. puis la Chine à partir de 1949 encouragèrent le développement de conflits régionaux (guerre de Corée, 1950-1953; insurrections communistes aux Philippines; guerre d’Indochine puis du Vietnam, 1945-1975). En même temps, les mouvements d’indépendance affectèrent d’abord de grands pays riverains comme les Indes néerlandaises, devenues Indonésie (1949), la Malaisie (1957), séparée en 1965 de Singapour, mais s’étendirent ensuite aux îles et archipels océaniques, même minuscules, donnant naissance à une série de micro-États qui gardent souvent des liens étroits avec les anciennes puissances de tutelle. On aboutit ainsi à un nouveau partage du Pacifique. Ces jeunes États ne comptent bien sûr ni par leur superficie de terres émergées (sauf la Papouasie - Nouvelle-Guinée), ni par leur population. Ils ont néanmoins bénéficié jusqu’à ces toutes dernières années d’une attention particulière et d’aides importantes de la part des grandes puissances mondiales et des organismes internationaux. À cela, plusieurs raisons:– D’abord, la définition des zones économiques exclusives de 200 milles a donné à ces archipels fragmentés en de multiples îlots éparpillés sur de grandes distances le contrôle d’immenses surfaces océaniques: le meilleur exemple est celui des modestes îles Kiribati (ex-Gilbert) qui, avec 690 kilomètres carrés et 65 000 habitants, disposent d’un espace maritime de plus de 3,5 millions de kilomètres carrés, sept fois la surface de la France. Cela signifie la mainmise sur des zones de pêche (thons tropicaux) considérables, dont ces petits États peuvent monnayer l’exploitation, et, ultérieurement peut-être, sur des richesses sous-marines encore inexploitées (nodules).– Ensuite, ces petits États se sont trouvés placés au cœur d’un espace maritime qui a été l’un des grands enjeux stratégiques de la rivalité entre les grandes puissances dans le cadre de la guerre froide et de ses prolongements; la présence des États-Unis, de l’U.R.S.S., de la Chine, du Japon, mais aussi celle de Taiwan, des deux Corées, du Vietnam sur les rives du Pacifique conférait aux archipels situés au cœur de celui-ci un intérêt géostratégique indéniable, dont certains ont bénéficié ou parfois même ont su jouer pour obtenir des soutiens internationaux nécessaires à leur développement. On peut remarquer aussi que la petite taille de ces espaces insulaires rend l’aide qui leur est apportée plus «gratifiante» pour les donateurs que celle qui s’engloutit dans de grands États continentaux en situation de détresse économique.– Au milieu des années 1990, les données des rivalités, voire des affrontements internationaux ont en partie changé de nature avec l’effondrement de l’U.R.S.S. et l’affirmation de la prépondérance au moins militaire des États-Unis. Dans le domaine économique, le poids du monde Pacifique n’a cessé de se renforcer depuis déjà plusieurs décennies au point d’apparaître comme l’espace le plus dynamique et le plus prometteur en termes de développement des activités, des échanges et des emplois. Sont riverains du Pacifique non seulement les deux plus grandes puissances économiques du monde, les États-Unis et le Japon, mais encore nombre d’autres pays qui comptent parmi ceux dont la croissance est la plus rapide et dont les potentialités de développement sont les plus fortes: citons sur la façade occidentale la Chine continentale, la Corée du Sud, Taiwan, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, l’Australie, sans parler des villes-États ou enclaves comme Singapour et Hong Kong, en attendant demain les Philippines et le Vietnam; n’oublions pas sur la façade orientale du Pacifique le Canada, le Mexique, mais aussi le Chili par exemple. Pour nombre de ces États, les échanges commerciaux constituent une base fondamentale du développement économique: en 1991, l’Asie méridionale et orientale comptait dix-sept des trente et un ports du monde dont le trafic excède 50 millions de tonnes, et, en 1992, onze des trente-cinq aéroports avec plus de 15 millions de passagers sont localisés dans l’aire Pacifique.De ce fait, les petits États insulaires du Pacifique se trouvent toujours au milieu des années 1990 dans une situation géostratégique de premier plan, sur des axes commerciaux fondamentaux, mais dans un contexte politique qui a réduit sensiblement leur rôle réel. Ils ont perdu, par exemple, leur fonction d’escale aérienne sur les routes transpacifiques du fait de l’allongement de l’autonomie des avions à réaction qui permet les traversées du grand océan sans escale. Ils restent cependant objets d’attention de la part des grandes nations riveraines qui souhaitent affirmer des zones d’influence et désirent parfois éliminer la présence de puissances n’appartenant pas directement au monde pacifique (politique de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande vis-à-vis de la France). C’est aussi pour faire face aux conséquences de l’émiettement politique de ces mondes insulaires que l’on a cherché à développer des «organisations régionales» regroupant les différents pays (Commission du Pacifique Sud, Forum du Pacifique Sud, etc.). Cette nécessaire coopération est en œuvre également dans le domaine de la prévention des catastrophes naturelles (cyclones, tsunamis).
Encyclopédie Universelle. 2012.